COULON (79) : Applaudissements pour l’artiste ANDRE PIGNOUX

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Vendredi 23 mars 2018 après-midi, on se pressait, pour ne pas dire on courait, à Coulon (Deux-Sèvres). Pour assister à la toute dernière représentation de l’homme de théâtre qu’était André Pignoux. Autour du cercueil placé au milieu d’une allée centrale du cimetière, la foule des grandes premières formait comme un cocon protecteur. Ici, il n’y avait point de spectateurs. Tous étaient, cette fois-ci, acteurs d’une pièce qui clôt un « livre de la vie ».

L’homme de théâtre et complice des artistes de toutes factures André PIGNOUX (juillet 2017)       Photo Gilles Petit

 A la demande de la famille, Jean-Claude a feuilleté le « livre de la vie » d’André Pignoux : « Et maintenant te voilà plongé dans la nuit. La nuit interminable, cette nuit dont nous savons toi et moi qu’elle ne finit jamais par un matin. L’information est arrivée implacable, certes mais sans surprise. »

« André Pignoux, ce Coulonnais de toujours est tombé dans le guet-apens de la vie qui est propre à chacun. » Parti discrètement à 86 ans, André est né en 1931, à Magné (Deux-Sèvres), sur la rive gauche de la Sèvre Niortaise. Ses parents travaillent alors sur la rive droite à Coulon. Dix ans plus tard, une petite sœur le rejoint, Françoise.
« Un passage à la communale et une adolescence sans histoire vont révéler un enthousiasme particulier pour le théâtre. Le Coulon d’alors sort de la seconde guerre mondiale, un vent de liberté s’affiche, les pièces de théâtre se multiplient, André y trouve ses repères et excelle dans de multiples interprétations. Pagnol, Labiche ou encore cette pièce en un acte de Tchékhov, « Les méfaits du tabac » où, seul en scène, André se révèle brillantissime.

« La présence de la famille Richard, du cinéaste Pierre Gurgand et surtout de Cosette Richard vont transformer la vie d’André Pignoux. Ils se marient et se réjouissent de l’arrivée de Sandrine, leur fille unique. »

A son retour de Paris en 1969, André Pignoux a pris sa plume :

« C’est le départ vers la capitale, poursuit  J.-C., André et Cosette Pignoux sont accueillis, excusez du peu, par la famille Serreau. Grâce à ses qualités de machiniste, de photographe, d’électricien, il devient l’homme indispensable. De cabarets en théâtres, André travaille sans relâche, ce qui est d’autant plus épuisant qu’il faut composer tous les deux jours avec une nouvelle pièce. Pourtant, ce côté « ombre et lumière des éclairages » le séduit.

« Malheureusement, André tombe malade. Inexorablement, c’est le retour vers le Marais.

« Fort d’une détermination sans faille, et avec son inséparable Cosette, il s’investit dans le théâtre et les arts. Coulon devient la capitale culturelle du Marais Poitevin. En 1970, André loue, crée et aménage une authentique ferme, une maison ayant appartenu à M. Camille Paris, sur la rive gauche de la Sèvre Niortaise – un lieu qu’il baptise « la Grange à Camille » [aujourd’hui La Grange de Camille] et qui, très vite, devient mythique. Ensemble, ils créent une véritable maison d’artisans et un repère d’artistes. Plus tard, avec le concours de la municipalité et d’une équipe de bénévoles, ils mettent en place un rendez-vous culturel estival annuel : les Soirs d’été. » Ce festival a vécu quinze années jusqu’en 1985. Parallèlement, en période hivernale, la même équipe a géré pendant sept ans un cabaret nommé « Le raton laveur », installé dans l’ancienne demeure du receveur de la Coutume. Un bâtiment qui héberge aujourd’hui la Maison du Marais Poitevin.

« Que d’artistes prestigieux ne sont pas venus à Coulon ! Le plus illustre d’entre eux est Jean Cocteau, qui fait le déplacement en août 1974. Des chanteurs tels que Jean-Roger Caussimon, Mouloudji, Paco Ibanez et Colette Renard, pour n’en citer que quelques-uns, transforment eux aussi le petit village en un haut-lieu de culture. »

Les générations actuelles connaissent Cosette et André Pignoux, comme les fondateurs du Théâtre Roger-Blin, en août 1984. Siégeant à Coulon, cette pépinière d’artistes de théâtre est dédiée à « un ami et collègue »: Roger Blin. Ce grand acteur et metteur en scène était décédé quelques mois auparavant.

Tous les Maraîchins, et les autres, se souviendront du photographe André Pignoux. Témoin de son temps, ce véritable historien de la photographie a saisi entre les années 1946 et 1950 des documents d’une valeur inestimable.

L’artiste André Pignoux devant quelques unes de ses œuvres dans La Grange de Camille (juillet 2013) Image Capt’Action79

Dans notre reportage vidéo consacré à La Grange de Camille, édition 2013 ( à voir ou revoir à l’adresse : https://youtu.be/4AortAw5HWI), André Pignoux s’exprime  : « Revenu dans mon pays, j’ai appris la photo, je me suis installé photographe. J’ai voulu figer mon pays dans la photographie. C’était l’époque charnière où les tronçonneuses remplaçaient les scies, les tracteurs remplaçaient les chevaux. Tout changeait, les vaches en bateau, les dernières laveuses au bord de la rivière, j’ai saisi tout ça. C’est parti vite en trois – quatre ans. Alors c’est ce qui m’a beaucoup motivé et le noir et blanc. J’ai toujours adoré le noir et blanc. Parce que, peut-être, on m’a dit que venant du théâtre comme régisseur éclairagiste, au Théâtre de Lutèce à Paris, j’ai toujours été fasciné par le noir et blanc et les éclairages clairs-obscurs. Avec le numérique, c’est autre chose, l’âge arrivant faut savoir arrêter maintenant. »

Des photos d’André Pignoux dans le livre Simeons du Marais.

Le photographe André Pignoux a aussi participé à la publication de livres dont Cuisine de Poitou et de Vendée de Jeanne Philippe-Levatois, une collection ‎Poitiers Cuisines régionales, aux Éditions du Marais 1968 ; Simeons du Marais de Pierre Gurgand, aux Éditions du Quéré 1989 ; et une plaquette disque Bataille de Torfou 1793, un scénario de l’auteur Serge Danot, une adaptation de Marcel Jaud.

« Le temps passe, conclut Jean-Claude, l’érosion de la vie fait ses ravages et nous rappelle tous pour le grand sommeil. Ne soyons ni tristes, ni accablés de chagrin, il nous suffit de rester fidèles dans l’œuvre culturelle qu’André Pignoux a si brillamment défendue. La plus belle garante en est incontestablement Cosette, qui perpétue sa passion théâtrale avec le brio que les Maraîchins lui connaissent. »

 Monsieur André Pignoux a quitté la scène sous les applaudissements.

 

Gilles PETIT avec Jean-Claude Coursaud

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