André Pignoux
MARAIS POITEVIN – COULON – MAGNE : 50 ans, l’âge d’Or de « La Grange de Camille »
« 50 ans, l’âge d’Or. L’âge dort mais nous allons le réveiller pour évoquer ces années 1970 où, après une petite décennie passée sur Paris dans le milieu théâtral, Cosette et André reviennent à Coulon et décident que la nouvelle scène de leur vie aura maintenant pour décor leur pays natal. » Le maître dans l’art du papier, Daniel Mar, avec Cosette Pignoux retracent la genèse du centre culturel « Coulon, rive gauche », une vraie grange maraîchine appelée « La Grange de Camille ».

« En 1968, on écrivait « sous les pavés la plage », et en 1980 « sur les pavés l’art ». C’est ainsi que Bijou ne faisant plus entendre le bruit de ses sabots ferrés sur les pavés, étant déjà parti depuis quelque temps rejoindre ses compagnons de chevauchée dans la prairie du grand large, et Camille ayant refermé cette porte d’écurie comme on referme un livre quand l’histoire se termine. Camille le voisin d’enfance, le voisin du jardin d’à côté. C’est ainsi que commence l’histoire de la Grange à Camille, » se souvient Mme Cosette Pignoux, metteur en scène de théâtre.
L’écurie de Camille Paris

Nous sommes en 1969, le fermier maraîchin Camille Paris vient de vendre ses trois dernières vaches et son cheval Bijou, l’écurie et la grange restent désormais vides. Résidant juste en face, sur l’autre rive de la Sèvre Niortaise, M. André Pignoux voyait cette grange vacante. « Il demande à Camille s’il ne pouvait pas lui louer ce lieu un peu improbable. Tellement symbolique de l’âme du pays. Là, ses photos seraient exposées en parfaite symbiose avec ce qu’elles représentent, » commente Daniel Mar.
L’année suivante, la famille Pignoux a l’idée d’en faire un lieu d’exposition et l’ensemble est alors réhabilité. S’y succèdent des potiers, tisserands, ébénistes. . . Puis de nombreux artisans et artistes. Citons des peintres de prestige : Chenilleau, Bugeant, Hélène Besnard-Giraudias et des intellectuels. « On a connu le potier de Jean Cocteau qui a bien voulu exposer là une trentaine de ses pièces », se souvenait le regretté André Pignoux. « Dans les années 1970, la grange faisait office de lieu culturel à Coulon« .

Ouverte en 1970, sous le nom de « la Grange à Camille », l’ancienne ferme de Monsieur Paris, vit les premières expositions, sur 120 m², des photographies de M. André Pignoux et la fondation, en 1974, d’un groupement d’artisans régionaux. « Il y avait encore du foin à l’étage et les vaches juste parties », aimait rappeler le photographe local. Très fréquentée, « la Grange à Camille » ne devait pas rouvrir ses portes, après la pause hivernale. Mais André et Cosette Pignoux n’ont pu se résigner à laisser les volets clos. Parlant alors au nom des artistes de la première édition, le regretté sculpteur Laurent Page expliquait : « Avec cette rénovation de la grange, nous faisons le pari de continuer à faire vivre cet endroit avec les fruits de nos travaux ».
Quand la « Grange » change de nom !
Rebaptisée « la Grange de Camille », l’ancienne propriété de M. Camille Paris, conserve l’architecture caractéristique de ces vieilles maisons du bord de fleuve, à savoir un corps d’habitation et une écurie en l’état, les auges, les râteliers, même le sol a été conservé intact avec ses pierres inégales et le « courant au purin » intégralement préservé. Construite comme la plupart des maisons maraîchines, à la fin du XIXe siècle, elle dispose d’un rez-de-chaussée (l’ancienne écurie) et d’un étage (ancien fenil).
- Pour la toute première fois, la Grange de Camille propose, côte à côte, les photographies d’André Pignoux (à gauche) et de sa petite-fille Louise Maby.
Certains artistes exposent leurs œuvres dans « la Grange de Camille » depuis une vingtaine d’années, c’est le cas de Daniel Mar (photographie puis art du papier). L’artiste retrace la genèse d’une aventure « gagnante » : « Lorsqu’André a retrouvé son pays natal, il a tout de suite pris conscience des mutations qui étaient en train de se produire dans ce milieu rural. Une époque charnière où les tronçonneuses remplacent les scies, les tracteurs se substituent aux chevaux. . . Alors lui qui, sur Paris, a aussi appris la photo, se met à saisir en noir-et-blanc les ultimes images du transport du bétail dans les bateaux, des lavandières sur les bords de Sèvre, tous les gestes ancestraux de ce monde rural qui bientôt vont disparaître. Et dans cette grange, toutes ces images vont trouver là un parfait écho. Et puis très vite, André et Cosette pensent qu’ils pourraient peut-être aussi accueillir en ce lieu d’autres artistes, artisans d’art susceptibles de présenter ici leurs œuvres. Alors, les années suivantes, vont se croiser ici potiers, ébénistes, tisserands. Et d’emblée c’est le succès car à l’époque nulle part ailleurs dans la région il n’y a d’équivalent. On y trouve du mobilier, des abat-jours, des foulards, des peaux de bête, et bien sûr des œuvres peintes ou sculptées par des artistes locaux. On y accourt de partout de la région et plus encore du proche pays niortais où tout le monde a, au moins, entendu parler de la Grange à Camille.
« la Grange a 50 ans ! »

« Dès qu’il y a un cadeau à faire pour un parent : la Grange à Camille; un collègue qui part à la retraite : la Grange à Camille; le voisin qui va pendre sa crémaillère : la Grange à Camille. Les années passent, les temps changent. Nous sommes dans les années 1990, la Grange elle aussi se doit d’évoluer, mais Cosette et André craignent vivement que les organismes officiels les obligent à des changements radicaux comme, par exemple, la démolition du sol et son pavage qui participeraient à anéantir l’âme du lieu. Mais la bonne fée du Marais veille et la Grange ne connaîtra pas les transformations. Souhaitant alors se positionner en dehors de tout mercantilisme, en 1999, le couple va finalement décider de ne réserver la Grange qu’aux artistes. Elle va alors devenir un incontournable lieu culturel, un espace un peu hors du temps et de l’agitation galopante, une escale précieuse où il fait bon se poser. Et ils vont être nombreux à s’y succéder les artistes. Des dizaines et des dizaines, reconnus, connus ou inconnus, mais tous animés par une même flamme créative, reflet de leur âme. A ce jour, ont exposé ici, en ce lieu magique environ 280 artistes. Je fais partie de ceux-là. Je voudrais dire au nom du plus grand nombre combien nous sommes attachés à cet endroit qui se perçoit au travers de nos cinq sens. »
- Au fil de l’expo-vente dans « la Grange de Camille » Photos Gilles PETIT
« Coulon Rive gauche » offre du rêve
« On avait besoin d’un lieu pour mettre nos rêves, » reprend Cosette Pignoux. « Nous cherchions justement un lieu habité par une histoire. Oui, Camille les murs de ta grange parlent, les murs racontent ! Camille, toi qui fais maintenant des promenades en bateau avec les touristes, tu sais, ils seraient heureux ces gens-là de voir une expo ! L’amitié de voisinage allait jouer en notre faveur. Et voilà, mes ailes repoussent, mes rêves s’envolent, on parle, on rencontre, on partage, on crée, on imagine. Ah oui, l’imagination est au pouvoir. Rêves réalisés, on est dans le concret dans ce lieu avec des photos d’André accrochées sur un mur de foin. Qui pourrait faire ça, qui pourrait imaginer faire une chose pareille ? C’était très beau, les photos de labour, sur un mur de foin. C’était extraordinaire! »


Daniel Mar : « Sereine au bord du fleuve, la Grange est aujourd’hui d’une nature forte qui a vu passer bien des natures mortes mais qui pourtant reste toujours bien vivante. Tu vois André, tu vois Cosette, vous pouvez être fiers de ce jour et de ce que vous avez créé qui, cinquante ans plus tard, continue à se perpétuer. » L’artiste apporte « une petite preuve supplémentaire à ce constat. » En s’amusant avec les lettres du mot grange, Daniel Mar a mélangé les lettres. « Pour le mot grange, il n’y a qu’un anagramme possible : gagner! »
« C’est ainsi que vit la Grange, une porte ouverte aux rencontres, aux moments chaleureux des instants partagés, les yeux engrangent les souvenirs, les paroles s’échangent, s’enrichissent. La Grange, c’est le pas lourd des sabots de Bijou sur le pavé. La Grange, c’est Camille. La Grange, c’est l’amour, pour l’échange de deux passionnés. La Grange, telle est sa vocation, la beauté du tableau, la lumière des photos, le geste assuré du sculpteur passionné, les odeurs de lavande échappées du tableau, les pas du visiteur caressant les pavés. La Grange, c’est le lieu magique des magiciens. La Grange, c’est le reflet d’une vie transparente du vécu comme un poème qui s’éternise dans le temps, » conclut Cosette Pignoux.
L’exposition « Coulon rive gauche » est ouverte jusqu’à fin septembre dans « la Grange de Camille » en bordure de Sèvre Niortaise, face au bourg de Coulon (Marais Poitevin – Deux-Sèvres). Visite libre.
Gilles PETIT
Les œuvres présentées dans ce reportage sont la propriété de leur auteur.
Revoir notre reportage vidéo réalisé à l’occasion de l’édition 2013 : https://youtu.be/4AortAw5HWI
VENISE VERTE : hommage et tournée estivale 2019 au Théâtre Roger-Blin de Coulon (79)
Le Théâtre Roger-Blin va rendre hommage à deux hommes, disparus l’année dernière, qui ont FAIT le TRB à Coulon : André Pignoux et Paul-André Maby. De nombreux artistes qui ont suivi et/ou accompagné ces deux personnalités du monde artistique seront présents samedi 20 juillet 2019. Musiques, chansons, textes. . . un programme éclectique sera proposé dès 18 heures dans le Parc de la Mairie de Coulon (Deux-Sèvres).
Basé à Coulon (dans le Marais Poitevin des Deux-Sèvres), le Théâtre Roger-Blin est une pépinière de jeunes talents. Fondée le 6 août 1984, cette association, régie par la Loi de juillet 1901, organise, toute l’année, des stages divers, des spectacles de théâtre, chansons, musique, lectures publiques. . . et, en saison estivale, des tournées de théâtre dans la Venise Verte. Cette année, la tournée sera ponctuée par une soirée hommage à André Pignoux et Paul-André Maby.
Pour cela, laissons la plume à Mme Cosette Pignoux, metteur en scène, l’autre pilier du Théâtre Roger-Blin :
André Pignoux
Paul-André Maby

Durant ce mois de juillet 2019, les comédiens amateurs du Théâtre Roger-Blin, accompagnés de troupes professionnelles invitées, interpréteront trois pièces alternativement sur les scènes des villages deux-Sévriens de Coulon, Arçais, La-Garette (commune de Sansais-La Garette), Bessines, Mauzé-sur-Le-Mignon, Magné et vendéen de Benet :
L’HABILLEUR de Ronald Harwood (21 heures : 16 juillet à Arçais, 19 juillet à La-Garette, 22 juillet à Bessines, 24 juillet à Mauzé-sur-Le-Mignon, 27 juillet à Coulon, 29 juillet à Benet et 31 juillet à Magné)
Véritable profession de foi dans l’art dramatique, « l’habilleur » ne cesse de mêler dans une savante mise en abîme, le théâtre dans le théâtre s’inscrivant dans la lignée de Shakespeare, Pirandello.
C’est un hymne à la persévérance qui se décline politiquement en résistance face à l’oppresseur et prend la forme du sacerdoce pour le comédien dévoué à Shakespeare et à sa compagnie. Beaucoup d’artistes caressent le rêve de mourir au plus fort de leur art; s’éteindre sur scène, de cette mort splendide, que s’offrit Molière; de la seule mort qu’accepterait celui qui, toute son existence, a mimé la vie. Mais cette fin-là serait pour le Maître un renoncement et il le fait, au contraire, et impérativement ne pas mourir sur scène mais se cacher, disparaître après avoir joué jusqu’à l’épuisement.
C’est la question que nous pose l’habilleur : où, pourquoi, comment, par quel moyen, par quel miracle continuer à créer, à trouver en soi et ailleurs la force, la volonté, la nécessité, l’étincelle de la création artistique; même dans la catastrophe; sans quoi le monde n’est plus que ce monde-ci et alors est-il vraiment supportable ?
Dans cette pièce, belle et humaine, qui a triomphé dans les trente et quelques pays où elle a tourné, cette écriture est d’un Grand Auteur.
Le maître, cet acteur, si égoïste soit-il, continue à ouvrir ici ou là, pour qui l’aperçoit, des fenêtres vers la liberté.
Par le théâtre nous pouvons avoir accès à un autre monde, et ce monde-là fait que nous pouvons supporter ce monde-ci même au cœur de la tourmente.
CENDRILLON de Joël Pommerat (21 heures : 17 juillet à Arçais, 18 juillet à Sansais, 21 juillet à Coulon, 23 juillet à Bessines, 25 juillet à Mauzé-sur-Le-Mignon, 26 juillet à Benet et 30 juillet à Magné)
Le metteur en scène livre ici sa version très personnelle du conte de Perrault. Loin des histoires de princesses qui rêvent au prince charmant, il se plonge au cœur de l’enfance et des questions tragiques qui la jalonnent parfois. Oubliés les oiseaux chanteurs et les couleurs pastel. Cendrillon est Sandra, une petite fille submergée par le deuil de sa mère, qu’elle tente de vivre comme elle le peut. Tous les éléments de l’histoire originale sont présents, mais détournés, chargés d’un sens différent qui lui donne un souffle radicalement novateur. Si Pommerat choisit d’axer sa pièce autour du deuil et de la confrontation d’une enfant avec la mort, il le fait avec assez de légèreté pour que les spectateurs se laissent aller à rire à de nombreux moments du spectacle. Émotion et humour sont au rendez-vous grâce à leur belle performance.
Le DÉFUNT de René Obaldia (17 juillet à Arçais, 18 juillet à Sansais, 21 juillet à Coulon, 23 juillet à Bessines, 25 juillet à Mauzé-sur-Le-Mignon, 26 juillet à Benet et 30 juillet à Magné)
Deux personnes se retrouvent pour évoquer le souvenir d’un homme décédé trois ans auparavant.
Qui était Victor? Qui sont ces personnes qui revendiquent son amour ? Confidence après confidence, l’oraison annoncée se transforme, de fil en aiguille, en révélations sur la véritable identité du mystérieux défunt, de cet homme si appréciable…
A la fois drôle, grinçant et absurde, le texte s’inscrit dans le registre de l’humour noir. Entre comédie et tragédie et derrière une apparente banalité, cette composition donne à voir les reflets de la folie et de l’abomination. Et si tout ceci n’était que duperie ?
