MARAIS POITEVIN : l’eau, source de « La Vague citoyenne »

Publié le Mis à jour le

Les 2 et 3 juin 2018 à La Garette (commune deux-sévrienne de Sansais-La Garette, France), « La Vague citoyenne » n’a pas submergé les porteurs des dix-neuf projets de retenues dites de substitution, les fameuses bassines. A l’origine de ce waterstock #3, « Bassines non merci ! », un collectif citoyen, apolitique et pacifiste, qui lutte contre les bassines et l’irrigation à outrances, et lutte aussi pour les paysans.

Durant ces deux jours, « La Vague citoyenne », un nom sous-titré : « Pour une agriculture respectueuse de l’Eau, de la Terre et des Hommes », a rassemblé environ 2000 personnes dont 1200 ont participé à la grande déambulation festive du dimanche après-midi.

Lors des assises citoyennes du samedi, traitant, durant quatre heures, les sujets eau, agriculture et paysage, suivies des prises de paroles en clôture de la manifestation, nous retiendrons quelques propos et témoignages d’intervenants de toutes tendances, ou presque, car on regrettera l’absence des porteurs des projets en question.

Quand il parle de réserves de substitution, au départ, le collectif n’était pas systématiquement contre, et peut-être pas encore aujourd’hui, mais les projets portaient sur des prélèvements de surface, c’est à dire, des rivières qui étaient prêtes à déborder, et des nappes phréatiques archi pleines. En excluant les nappes profondes, indemnes de tout produit, à pomper vers des retenues construites à l’air libre. Dans ces retenues, l’eau va alors se réchauffer et sa qualité va se dégrader. « On est donc complètement dans l’inverse de ce qu’on voudrait faire », estime le collectif.

Selon M. Pierre Lacroix, membre du collectif et président de la Fédération de pêche des Deux-Sèvres : « Aujourd’hui, si les politiques n’ont pas le courage d’amener les mesures d’accompagnement pour changer les modes de culture, il ne serait pas préférable de subventionner un monsieur qui n’irrigue pas et qui sous-produit en faisant de la qualité, par rapport à celui qui irrigue et reçoit des subventions. Parce qu’il faut savoir que ces bassines-là seront subventionnées à 75% par l’Agence de l’eau, argent public, et que, quand ces gens-là prendront l’eau dans les bassines pour irriguer un hectare de maïs, ils toucheront une subvention de 300 € environ. Ils seront donc subventionnés deux fois. »

A savoir, dès qu’une culture est arrosée, il est nécessaire, le lendemain, de traiter la parcelle en pulvérisant un fongicide afin d’éviter le développement de la maladie.

Rapidement lors des assises citoyennes, les interventions fusent, dont celle-ci : « A qui profite le crime ? 9 millions de mètres-cube d’eau pour 230 bénéficiaires. Sur 10% d’irrigants, 2% vont en bénéficier. Sur  les 230 exploitations concernées par les bassines du seul projet de la Sèvre Niortaise que sont les adhérents à la Coop de l’eau, 119 vont être directement raccordés aux bassines. Ce qui représente, à peu près, 6% des exploitations du territoire, tout confondu, irrigants ou non. Il s’agit d’une confiscation de l’eau potable au profit d’une infime partie des gens. »

M. Jean-François Périgné, « citoyen-paysan de la mer », précise-t-il, secrétaire national à la Confédération paysanne et référent de la question de l’eau, a ainsi résumé la situation : « Je voudrais aborder la question de l’eau sur un angle beaucoup plus global, de façon que tout le monde comprenne bien ici l’enjeu local et largement planétaire. Vous avez remarqué que le but majeur de la conquête spatiale est d’aller trouver une planète où il y a de l’eau. Pourquoi ? Car il n’y a pas de vie, telle qu’on la connaît, nous, sans eau. Il n’y a pas une goutte d’eau qui est perdue lorsqu’elle part à la rivière car les racines de l’océan, ce sont les rivières. Et tout comme les poissons qui pondent et qui meurent au stade larvaire, pour nous, c’est exactement la même chose au niveau des coquillages, des crevettes et au niveau de toute la ressource halieutique puisque les zones de reproduction, de frayères, et de nurserie se trouvent dans les zones estuaires parce que c’est là que se fait le mélange entre les sels nutritifs amenés par la terre, il en faut et c’est nécessaire, pour le développement du premier maillon de la chaîne alimentaire de l’océan. Et le premier maillon de la chaîne alimentaire de l’océan, c’est le phytoplancton. Les océans c’est 4/5ème de la surface de la planète. Le phytoplancton est la première biomasse végétale de la planète qui produit les deux tiers de l’oxygène que l’on respire et qui joue un rôle hyper important sur le captage du CO2 car toutes les plantes consomment du CO2 et rejettent de l’oxygène. Tout ce qui est à support calcaire (les coraux, nos coquillages. . .) est en danger de disparition rapide. En une petite trentaine d’années, malgré les sonnettes d’alarme tirées par les conchyliculteurs, la situation se dégrade d’année en année, avec un empilement de mesures environnementales censées sauver la biodiversité, parc naturel marin, Natura 2000, etc. Entre le temps de décision de l’humain et le temps de réponse de la nature, il se passe un certain temps. La terre a son propre rythme qui n’est pas le rythme des humains. Quand on parle de l’eau, on parle de la composition du corps humain, on parle de l’aliment principal. 70% de notre alimentation, c’est de l’eau. Que ce soit sous forme liquide, végétale ou animale, c’est de l’eau qu’on consomme. L’enjeu est énorme. Ici, dans l’ouest de la France, on lutte contre un système d’irrigation pour nourrir une plante qui, dans son pays d’origine est la déesse de la fécondité et qui est en train de devenir chez nous la déesse de la stérilité. Tout simplement parce qu’on est en train de se battre en plein dérèglement climatique pour produire une plante tropicale et donc reconstituer un climat autour de la plante qui n’est pas son climat d’origine. Pourtant, il existe un maïs local. Sur le constat, on est tous d’accord, la FNSEA, les politiques, la Confédération paysanne, les citoyens lambda. Les climatologues nous annoncent 20 à 30% de moins dans les débits des rivières, une pluviométrie qui va devenir de plus en plus aléatoire, huit années sur dix de sécheresse sévère, une évaporation qui va augmenter de 20 à 30 %. L’évaporation sur le problème des bassines, c’est le syndrome du Shadok, on pompe de l’eau qui est stockée naturellement dans le sol, ça n’a rien coûté de la stocker, elle est à l’abri de l’évaporation, pour la mettre dans une bassine où de toute façon sur la globalité du volume d’eau, il va falloir laisser 20% au fond pour maintenir le liner en place, alors qu’au minimum 30% de l’eau va s’évaporer et rentrer naturellement dans le cycle de l’eau. Donc il reste utilisable globalement 50% de l’eau qui aura été pompée de la ressource. Il y aura, quand même, une baisse du stockage de l’eau en souterrain.

« Par rapport à ce contexte climatique, on a deux écoles : pour prévenir on va stocker en hiver quand il y a trop d’eau, etc. ; et l’autre école qui dit : le stockage naturel ne coûte rien, il est là et on va s’adapter de différentes manières, adapter les cultures aux sols. La filière maïs est déficitaire, globalement elle redevient rentable parce que ce maïs est exporté par le port de commerce de La Rochelle-La Pallice. Il va nourrir des poulets au milieu du désert dans le Maghreb ou ailleurs. Et peut-être que dans ces pays, les habitants ne mangent que les cuisses et les blancs et nous ramènent les nuggets que nos gamins mangent dans les MacDo. Ici on est sur une privatisation déguisée, c’est de l’argent public qui va aller à quelques personnes. La problématique de l’eau, c’est la survie de la vie sur la planète parce que l’océan, c’est la vie de la planète. »

Tout le monde s’accorde à dire « il ne faut pas donner plus que la nature ne peut donner. » Mais aussi que « cette lutte contre les bassines et l’irrigation à outrance, c’est une lutte POUR les paysans ! C’est la population où il y a le plus de suicides. Ce sont les premiers impactés par les maladies liées aux pesticides qu’ils utilisent eux-mêmes. C’est une population qui est en pleine dérive morale. »

Le « paysan » Benoît Biteau constate : « La Loi sur l’eau dans son premier article explique que l’eau est un bien commun. Force est de constater que l’eau est devenu un bien marchand. Ça convoque au moins une dimension, celle du partage. Le deuxième article sur la Loi sur l’eau hiérarchise l’usage de l’eau dans un ordre précis : le premier c’est l’eau potable pour que tout ce qui vit sur cette terre puisse avoir accès à l’eau potable, le fluide vital dont nous avons tous besoin ; la deuxième priorité, notamment dans le Marais Poitevin, c’est la préservation du bon état du milieu aquatique. Par le milieu aquatique se jouent énormément d’enjeux, l’équilibre, la préservation des ressources sur les plans tant qualitatifs que quantitatifs, la préservation des biodiversités qu’elles soient sauvages ou domestiques, la climatique fondamentale car ce sont aussi des zones de séquestration du carbone, des gaz à effet de serre, et bien sûr, la santé ; le troisième article, c’est l’eau économique mais ce n’est que le troisième. L’eau économique inclut, entre autres, l’usage de l’eau par les agriculteurs. Le maïs exporte l’eau si rare chez nous vers d’autres contrées alors qu’on pourrait la préserver en revenant sur des fondamentaux agronomiques qui consistent, d’une part, à nourrir des herbivores avec de l’herbe et qui consiste aussi à produire du maïs avec d’autres ressources génétiques que le maïs proposé par les grandes firmes semencières ; les intérêts de quelques-uns se rapprochent, c’est à dire que ceux qui sont derrière ces projets de stockage sont aussi ceux qui proposent de la semence certifiée, des maïs hybrides, des produits de traitement et du matériel d’irrigation. Avec tout ça on télescope l’article premier qui dit que l’eau est un bien commun. Un autre modèle alternatif est possible depuis toujours, il porte un nom : agronomie, agroécologie. Revenons aux fondamentaux, au bon sens paysan. On est en train de dévaster la terre, avec un petit T, telle que nous, paysans, avons entre nos mains, et de la terre avec un grand T, celle qui nous porte tous sur fond de changement climatique. »

Les débats ont aussi porté sur la nourriture : « Aujourd’hui, le combat est dans l’assiette. La qualité des produits n’est pas un problème, c’est un drame. Rien n’est perdu, la mal bouffe n’est pas une fatalité. Il vaut beaucoup mieux moins manger, mais bien manger. Aller chez son petit producteur local. Il faut arrêter de manger des saloperies. »

Quand on parle d’eau souterraine, on parle d’infiltration dans le sol. Un agriculteur maraîchin qui plante depuis des années, a ainsi pointé : « Les milieux sont ouverts. Du moment qu’ils sont ouverts, il y a une chute de la population d’oiseaux, d’insectes, . . . Pour y remédier, le système est simple, on referme les milieux agricoles, on remet de la vie. Ça revient très vite. Le plus beau et le plus énorme mouvement citoyen possible, serait de planter des arbres et des kilomètres de haies. »

Selon la députée des Deux-Sèvres Delphine Batho : « On ne peut changer les choses que si on est dans l’interaction entre des citoyens qui se mobilisent et des élus qui sont déterminés. S’il n’y a pas de rapport de force, c’est toujours la même chose :  tout continue comme avant, et les lobbies y gagnent à la fin. La mobilisation a déjà commencé à faire bouger les choses. Les problèmes des volumes, de la qualité de l’eau, de la biodiversité, du processus pour un projet de territoire, doivent faire l’objet de dialogues. Tous les espoirs sont permis. »

Le bilan de cette manifestation affiche une fréquentation de l’ordre de 2000 personnes sur le weekend. Dimanche, environ 1200 personnes ont déambulé, en plus de ceux restés sur le site. Ce n’est pas pleinement satisfaisant. Il faut prendre en considération le temps incertain et les nombreuses autres animations organisées dans la région.

« C’est sûr, il y aura un waterstock #4. Si ce n’est pas pour le fait qu’on aura gagné contre les bassines d’ici là, ce sera un waterstock #4 pour reconstruire l’agriculture, pour reconstituer notre paysage et nos rapports humains avec nos agriculteurs. »

Gilles PETIT

Une réflexion au sujet de « MARAIS POITEVIN : l’eau, source de « La Vague citoyenne » »

    LAICHOUR Rabah a dit:
    4 juin 2018 à 21 h 40 min

    Merci Gilles pour ce rendu de qualité. Très bon retour et tout est dit dans cet article. Rabah

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