Jour: 18 juin 2018
COULON (Marais Poitevin 79) : FIAT LUX !!! « Que la lumière soit ! »
Comme un enfant regarde la vitrine d’un magasin de jouets la veille de Noël, le maire de Coulon Michel Simon voit déjà sa commune « mise en lumière » par l’association Petites Cités de Caractère. Datant de 2016, ce « vieux » projet départemental, lancé par feue l’Agence de Développement Touristique (ADT79), est censé « permettre la mise en valeur du cadre du centre-bourg patrimonial et rural. » D’études en études, pourquoi faire simple (et moins cher !) quand on peut faire compliqué.

Selon Mme Corinne GION, chargée de mission tourisme au Conseil Départemental des Deux-Sèvres (CD79), ce dernier ayant absorbé l’ADT79 : « Douze collectivités deux-sévriennes ont été associées à ce projet. » A savoir, les dix communes engagées dans les Petites Cités de Caractère (Airvault, Arçais, Celles-sur-Belle, Coulon, La-Mothe-Saint-Héray, Mauléon, Melle, Oiron, Saint-Loup-Lamairé et, peut-être, Chef-Boutonne) et les deux villes d’Art et d’Histoire : Thouars et Parthenay.
« La mise en lumière est en même temps un vecteur pour embellir un centre-bourg mais aussi un enjeu de développement économique et touristique puisqu’il s’agit, au travers de ce projet d’aménagement, d’élargir les amplitudes de visites et de séjours au niveau du cœur de bourg », telle est la démarche officielle. En somme, comme des insectes, il s’agit d’attirer par des lumières toujours plus de touristes dans nos petits villages. Mais pas que ! Car il existe un volet éclairage public qui pourrait intéresser les Coulonnais, tant les avis sont partagés sur la gestion des horaires de veille et des économies à faire. La chargée de mission précise : « l’éclairage public va de paire, la mise en lumière sera là pour souligner et pour être en complémentarité avec les sources fonctionnelles et sécuritaires. » En saison estivale uniquement.
Qu’est-ce donc que cette « mise en lumière » ? Il s’agit d’ « intéresser les concepteurs de lumière dans l’étude et la conception de ce projet. La mise en lumière est inscrite dans le cadre du schéma départemental de développement cognitif, approuvé en 2016 par le Conseil départemental des Deux-Sèvres, établi pour la période 2017-2021. Qui doit permettre de justifier, puis de déclencher des financements départementaux spécifiques. » En clair, le CD79 a travaillé, depuis deux ans, avec l’agence Orpin de Lune, basée à Lyon, en mission d’assistance de maîtrise d’ouvrage sur cette mise en lumière. Évidemment, à l’échelle du département, mais avec des points communs à minima entre ces Petites Cités de caractère.
C’est pas gagné ! En effet, selon Mme Gion : « Il faut répondre aux besoins spécifiques de chacune des collectivités au travers de la déclinaison. Ce n’est pas seulement mettre en lumière un objet déterminé comme un bâtiment, il faut prendre en compte tout un zonage, un secteur donné. Vous pouvez entrer dans une programmation, c’est la définition d’un plan lumière, à savoir, que l’on prend en compte un périmètre donné dans lequel il y a un certain nombre d’objets d’intérêt patrimonial que l’on souhaite valoriser. Ce plan de lumière permettra de définir un phasage, une enveloppe et un calendrier pour déterminer la tranche de travaux. Un état des lieux a déjà été effectué fin 2017 avec l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, puis formalisé dans le cadre d’un support écrit avec un reportage photographique, inventaire de tous les points lumineux. »
- En matière de mise en valeur du patrimoine …
- … on peut faire beaucoup mieux à Coulon.
Le maire de Coulon souhaite remettre en valeur l’église de la Sainte-Trinité dont l’éclairage est désormais inhibé tant le système disjonctait. Il pense aussi au pigeonnier de la place de l’Ecu et quelques autres façades ou places et des passages de venelles. Ses yeux ont brillé à l’évocation de l’autre volet de cette mise en lumière : les illuminations estivales des quais de la Sèvre Niortaise, voire du centre du village. Il faut dire que la mission tourisme lui en a mis plein la vue en organisant, l’été dernier, des déplacements à Chaumont-sur-Loire ( Loir-et-Cher) et surtout à Montrésor (Indre-et-Loire). Depuis une dizaine d’années, Montrésor organise en juillet et en août, dans les rues du village et au bord de l’Indrois, au pied de ses deux châteaux, dont un est construit au début du XIe siècle à l’extrémité d’un éperon rocheux surplombant la vallée, une série d’animations et de spectacles estivaux nocturnes retraçant l’histoire de Montrésor appelés Les Nuits solaires de Montrésor.

Au conseil municipal de Coulon, M. Simon s’est lancé dans un panégyrique vantant la majesté de ces manifestations monumentales et rêvant de voir la Sèvre Niortaise et ses quais s’animer, à la nuit, d’effets lumineux de toutes sortes ponctués musicalement de diverses apparitions végétales et/ou animales sous forme d’ombres (la belle anguille du Marais remplaçant le grand lézard de Montrésor, par exemple). Il a précisé : « Tout ne sera pas éclairé, il y aura aussi des zones sombres ». Nous avons une pensée pour les Coulonnais qui imaginent déjà la disparition des billetteries des embarcadères entre 22/23 heures et 1 heure (du matin). Un rêve parmi d’autres.
Le projet « mise en lumière » est une « œuvre globale unique en France », dit-on. Or, il n’est pas certain que les douze collectivités retenues adhèrent à l’initiative. « On va s’appuyer sur le collectif pour faire réduire les coûts liés à l’étude, » explique Mme Corinne Gion. « Le département prendrait à sa charge la quasi totalité du chiffrage estimatif (50 000 €) en demandant une participation forfaitaire à chacune des communes à hauteur de 1 000 € » (Coulon a déjà prévu une enveloppe de 3 000 €). Pour les phases suivantes : projets et travaux, le département n’ayant pas vocation à aller plus loin en termes d’appui et de maîtrise d’ouvrage, chaque collectivité reprendra à son compte la maîtrise d’ouvrage, dont le financement, et déclenchera les phases techniques. Il faut que les conseils municipaux acceptent afin que le département sache le nombre définitif des communes qui souhaitent s’engager.

En résumé, des études ont été réalisées par une agence de maîtrise d’ouvrage. Cette agence doit traverser la France pour travailler en Deux-Sèvres. Maintenant, les communes sont invitées à adhérer à un groupement de commandes chargé de recruter un nouveau cabinet d’études, lequel devra émettre au moins deux propositions au comité de pilotage à former. Ensuite, il faudra encore d’autres études pour définir un plan lumière par collectivité. Suivront des études réalisées concrètement par le ou les prestataires techniques. Parallèlement, des études fixeront les coûts des opérations par collectivité engagée. Tout ça avant que quelqu’un appuie sur le bouton d’allumage estival. « Il s’agit d’avoir un projet suffisamment avancé en terme de simulation, de rendu de simulation, d’estimation financière et puis de descriptif technique. »
On ne peut guère faire plus compliqué. Pour la phase éclairage public, Coulon finance déjà un prestataire-fournisseur d’énergie compétent pour repenser le système, comme l’ont fait des communes voisines réalisant désormais d’importantes économies d’énergie. Pour la phase animation lumineuse estivale, il suffit de débloquer une enveloppe tirée d’un budget culture à remettre à une structure associative experte en technique scénique (à l’image de l’ancienne association Côté Marais qui organisait le Festival du Marais) pour voir émerger des animations féériques. Le tout ne prend que quelques semaines de mise en place, sans gaspillage de fonds.
« L’étude doit durer jusqu’en mai 2019 », précise la chargée de mission. Au mois de mai, il sera trop tard pour penser et installer des lumières artistiques pour la saison 2019. 2020 sera une année de renouvellement des équipes municipales avec ses incontournables remises en cause des politiques antérieures.
Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple !!!
Gilles PETIT
Crédit photos les Nuits solaires de Montrésor : Alain Crozemarie — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=45362902